ELEMENTS DE BASE POUR UNE IDENTIFICATION VISUELLE DES
CHAMPIGNONS
(EXAMENS MACROSCOPIQUES)
Déterminer, identifier, reconnaître un champignon ! Nommer une espèce ! Qu’y a-t-il de plus agréable, qu’y a-t-il de
plus satisfaisant pour un mycophile ?!!!
« Et ça qu’est ce que c’est ? Est-ce que ça se mange ? » Pouvoir répondre à cette question bien
connue ; n’est-ce pas là encore source de satisfaction pour un mycophage ?
Certainement oui à toutes ces interrogations ! Mais attention ! La détermination des champignons n’est
pas chose facile ! Et pour les mycophages, elle ne peut et ne doit se faire qu’avec le concours et la présence sur place d’un mycologue confirmé !!!
Dans les lignes qui suivent, je vais tenter de vous faire partager ma modeste expérience.
En préambule je voudrais attirer l’attention des mycophiles mycophages débutants sur les phases rencontrées au cours de leur
vie de cueilleurs de champignons.
1- Dans un premier temps, le mycophile est d’une extrême prudence, il ne va rien ramasser pour sa consommation par crainte de
s’empoisonner, qu’il n’ait fait vérifier et revérifier par un Pharmacien ou mieux par un mycologue !
2- Dans un deuxième temps, l’expérience et l’habitude aidant, il sera moins vigilant, moins prudent, il prend de l’assurance !!!! Et
c’est au cours de cette phase que les accidents arrivent !!! (J’en ai fait la triste expérience !!!)
3- Dans un troisième temps, nanti de cette expérience, il fait de nouveau preuve d’une extrême prudence, d’une grande sagesse et
s’achemine doucement vers la mycologie.
L’identification doit procéder avec méthode et rigueur ; elle
passe notamment et obligatoirement par :
1 - La prise en compte de l’environnement du champignon à identifier.
2 - L’examen attentif des caractères morphologiques macroscopiques du champignon à identifier.
3 – La possession et la lecture de quelques ouvrages * .
Prise en compte DE L’ENVIRONNEMENT
Il est important de noter avec le plus de rigueur possible un certain nombre d’informations relatives à l’environnement du champignon à
identifier.
-
A-t-il été trouvé dans une prairie ?, une forêt ? Poussait-il sur la terre ? sur du bois mort ? ou du bois vivant ?, sur des
feuilles ?, sur des excréments ? etc …
Ex. : Tremella mesenterica (Tremelle mésentérique) ne pousse que sur du bois mort de
feuillus ; Fomitopsis pinicola vient essentiellement sur conifères ; Coprinus friesii (Coprin de Fries) croit sur des chaumes fanés de graminées ; Coprinus
miser (Coprin misérable) pousse sur les bouses et les crottins ; etc
La connaissance de la nature du sol est aussi un élément de détermination important !
-
A-t-il été ramassé sur un sol acide ? , calcaire ? Sur un terrain humide ? , sec ?, sablonneux ?, argileux ?
Ex. : Coprinus cortinatus (Coprin cortiné) pousse à terre sur sol calcaire ; Amanita dunensis (Amanite des dunes) comme son
nom l’indique croit exclusivement dans le sable des dunes.
-
Poussait il en zone ombragée ?, en plein soleil ?
A-t-il été cueilli en plaine ? en montagne ? à quelle altitude !!
Ex : Tricholoma pardinium (tricholome tigré) mortel !!! pousse essentiellement en zone montagneuse au dessus de
500m !
En forêt, noter impérativement la nature des essences environnantes ; pour les feuillus : bouleaux, chênes, hêtres, charmes, peupliers,
saules, chataîgniers, etc , pour les résineux : sapins, pins, cèdres, mélèzes, épiceas, etc ...
Certaines espèces de champignons et certains arbres se prêtent mutuellement appui ; on parle alors d’espèces
mycorhiziques quand les champignons vivent en symbiose sur les racines des arbres ou des herbes ; par exemple, certains bolets ne poussent que sous les pins comme Boletus pinophilus
(Cèpe des pins) quasiment toujours associé aux pins sylvestres ; d’autres comme Boletus betulicola (Cèpe des bouleaux) ne sont associés qu’aux bouleaux ! Les
oronges (Amanite des Césars) ne poussent que sous les chênes ou les châtaigniers, certains hygrophores comme Hygrophorus fagi (Hygrophore du hêtre) ne croissent que sous les hêtres,
Hygrophorus queletii (hygrophore de Quelet) ne croit que sous les mélèzes ! Amanita virescens (Amanite vineuse ou Golmotte) elle , accepte tous les arbres feuillus ou résineux, etc
…
Noter l’époque (printemps, été, automne, début d'hiver), a aussi son importance ; par exemple certaines espèces comme Tricholoma georgii (Tricholome de
la St. George) et les morilles ne poussent qu’au printemps ! Sauf dérèglement climatique vous n’avez aucune chance de les rencontrer au mois de septembre !
Examen macroscopique des caractères morphologiques
L’examen visuel macroscopique nécessite un examen rigoureux et détaillé du champignon sous toutes ses coutures.
Chronologie et nature des examens à pratiquer:
1 – Examiner l’allure générale du champignon ;
A-t-il une silhouette classique (Chapeau et pied) ou une silhouette particulière ? (Le cas des champignons à silhouette particulière sera abordé
dans un prochain article)
Exemple de champignon
classique Exemples
de champignons à silhouettes particulières
2 – Si la silhouette est classique, examiner le dessous du chapeau pour déterminer si c’est un champignon :
-
à tubes (Bolets et certains polypores) (a)
-
à hydnes (pieds de moutons et divers autres ) (b)
-
à lames (grande majorité des espèces rencontrées !) (c)
3 - Examiner le chapeau
3.1 - Préciser sa forme et son diamètre moyen.
Dans un grand nombre de cas le chapeau peut être convexe (a), campanulé (b), conique (c), infundibuliforme (d), ombiliqué (e), mamelonné (f), excentré (g),
latéral (h) ; il peut être aussi aplati, plan convexe, hémisphérique, parabolique, tronqué, obtus, aigu, concave, déprimé, papillé, mucroné, etc et là, je vous renvoie consulter les
guides et ouvrages spécialisés qui illustrent ces termes !
3.2 – Préciser sa couleur (est elle uniforme ?, zonée ?, changeante ?, etc)
3.3 – Préciser le caractère hygrophane du chapeau et de la chair en général (Changement d'aspect et de couleur en
fonction du degré d'humidité. Se dit de la chair et du chapeau, lorsqu'ils changent beaucoup d'aspect selon qu'il fait humide ou sec. Souvent la couleur s'éclaircit beaucoup par perte d'eau et,
s'il y a des stries, celles-ci disparaissent également. Dans les cas typiques, le chapeau hygrophane présente un aspect tout à fait caractéristique au début de la
déshydratation:s où de l'air est venu remplacer l'eau dans les espaces libres entre les
« hyphes », elles sont brusquement distinctes, par leur teinte bien plus claire par rapport à celles qui sont restées pleines d’eau.) les régions qui pâlissent les
premières (généralement le disque ou des lignes radiales) correspondent à celles ou de l'air est venu remplacer l'eau dans les espaces libres entre les "hyphes", elles sont brusquement
distinctes par leur teinte plus claire par rapport à celles qui sont restées pleines d'eau)
3.4 – Apprécier l’état du revêtement (Etat de surface et Ornementation).
Est-il piléique ou glabre ?, lisse ?, tomenteux ?, mèchuleux ?, fibrilleux ?, écailleux ?, floconneux ?, granuleux ?,
sec ?, visqueux ?, gluant ? etc …
Pour l’appréciation de la viscosité qui pourra être nulle par temps sec, rien ne vaut la technique du baiser ! En appliquant les lèvres humides sur le
revêtement, la sensation d’adhérence renseigne immédiatement sur la viscosité !
3.5 – Préciser la forme de la marge.
Est-elle droite ?, flexueuse ?, cannelée ?, striée ?,etc
3.6 - Chair du chapeau
Au niveau de la chair du chapeau, 4 éléments à considérer :
a) la texture; la chair est elle granuleuse et cassante ?, fibreuse ?, etc
b) la couleur ; la couleur de la chair doit être appréciée sur cassure fraîche, sous le revêtement (cuticule !) et sur cassure après un
certain temps !
c) l’odeur ; l’odorat étant un sens plus ou moins développé en fonction des individus, le critère « odeur » est
obligatoirement très subjectif !
Bien qu’un grand nombre d’espèces n’aient que peu d’odeur et qu’un autre grand nombre aient tout simplement une odeur « fongique » (ça sent le
champignon !!!), un certain nombre d’autres possèdent des odeurs caractéristiques et parfois peu banales caractéristiques.
Exemples :odeur de chicorée, de « maggi », d’anis d’abricot ou de mirabelle, odeur forte de choux , odeur de caoutchouc
( chez bon nombre de cèpes dont le Bolet à beau pied), odeur cadavérique chez Phallus impudique, d’iode chez Bolet feutré, , odeur de pomme chez certaines russules, odeur de crustacé
cuit !!!, odeur d’amande amère chez pas mal d’espèces, odeur de hareng ou encore de punaise
des bois, odeur de miel, odeur nitreuse chez nombre de Clitocybes et de Collybies, odeur de foin, odeur terreuse chez beaucoup d’espèces, odeur de savon
chez Tricholome à odeur de savon, odeur de farine commune à
bon nombre d’espèces mais très marquée chez Clitopyle petite prune appelé aussi « meunier », odeur d’huitre , de concombre, d’ail, de chou pourri, de vinaigre, de rance, odeur encore de bougie, de chlore , d’eau de javel chez Mycène cespiteuse, odeur de
mandarine, de mastic , de corne brûlée, de bouc, ou encore de liqueur de poire, de fromage, d’acétylène, de canelle, de DDT, j’en passe et des meilleurs !!!!
Parmi les moins banales on peut citer encore l’odeur de gant de toilette chez Clitocybe à odeur de poisson, odeur de gaz
d’éclairage chez Tricholome sulfureux, odeur de pélargonium chez Lépiote féline, odeur d’encre de chine chez Agaric jaunissant, odeur de fumée de locomotive chez Cortinarius callisteus (et là il faut avoir un certain âge pour connaître cette odeur !!! , odeur d’urine de
souris chez Entolome à pied vert ! , odeur de chocolat (Pour les gourmandes et les gourmands, pas de problème !) ou encore pour terminer odeur spermatique chez beaucoup
d’Inocybes !!!
d) la saveur
Au niveau de la saveur, ne goûter que les champignons ne présentant pas de risques de toxicité importante. Ne prélever qu’un tout petit morceau avec les dents, et
recracher !! Bien que ce test lié à la saveur n’apporte que peu d’information (notre sens du goût ne peut en effet différencier beaucoup de choses hormis le salé, le sucré, l’amer, l’acide
le doux, le poivré et quelques autres encore … ) il complémente les constatation faites au niveau de l’odeur !
Exemples de saveurs utilisées comme caractère d’identification :
Saveur amarescente (qui devient amer après mastication), saveur de noisette, saveur mentholée, saveur amère,
poivrée, piquante, douce, acidulée, ou encore saveur acre, saveur « raphanoïde» (saveur de rave !), astringente (qui resserre les
tissus), etc
3.7 Examiner les Lames
A ce niveau 4 examens sont nécessaires :
a) Examiner le mode d’insertion des lames.
Le mode d’insertion des lames sur le pied est une caractéristique importante ; aussi convient-il de connaître et de différencier les
principaux modes.
Les lames peuvent être distantes (a), libres (b), adnées (c), largement adnées (d), décurrentes (e) ou échancrées (f) mais elles peuvent être également
sublibres, collariées, émarginées, émarginées & décurrentes par une dent, décurrentes en filet, denticulées, transveinées, etc et là encore, pour plus d’information
sur ces termes, je vous renvoie consulter les guides et ouvrages spécialisés !
b) Examiner la densité des lames
Pour les cas les plus généraux, elles peuvent être banales, espacées, serrées, fourchues, anastomosées, avec lamelles.
En plus de la densité, il est parfois intéressant d’examiner l’arête des lames et des lamelles qui peuvent prendre des colorations différentes du reste de la
lame ; qui plus est, les arêtes peuvent être sinuées, dentelées, etc autres caractéristiques à consigner !
c) apprécier la consistance des lames.
Certaines sont cassantes, d’autres pas fragiles, d’autres encore sont céreuses (consistance de la cire !) ou bien encore déliquescentes
etc.
A ce stade on peut également noter l’épaisseur des lames (très fines, fines, épaisses, très épaisses, etc)
d) Apprécier la couleur des lames et de la sporée
Attention ! Il y a de grosses différences entre la couleur des lames et la couleur de la sporée !!! Surtout chez les jeunes spécimens !
Exemple : Un champignon de Paris a des lames roses au début et qui foncent avec l’âge pour devenir noires (couleur de la sporée !) chez les exemplaires âgés.
La sporée peut être : blanche, rose, ocracée, brun violacé foncé presque noire.
Pour apprécier cette couleur, il suffit de poser lames en dessous, le chapeau du champignon sur une feuille de papier gris. Au bout de quelques heures on est
en présence d’une sporée dont on pourra apprécier la couleur et si nécessaire, qu’on pourra examiner au microscope ; mais ça c’est une autre histoire !!!
4 - Examiner le Pied (ou stipe)
4.1 – Insertion et séparabilité
Noter la position du pied par rapport au chapeau, central, excentrique ou latéral.
Noter également si le pied est facilement ou non séparable du chapeau.
4.2 – Forme du pied
Noter s’il est cylindrique, en fuseau, ventru ou obèse.
4.3 – Base du pied
Examiner et noter si la base du pied est avec rhizomorphes (a), radicante (b), bulbilleuse (c), bulbeuse (d), à bulbe marginé (e).
4.4 – Ornements du pied
Les ornements sont de trois types :
a) aspect général
Noter l’aspect fibrilleux (a), rayé (b), poudré (c), chiné (d), scabré (e), scrobiculé (f).
b) présence ou absence d’un anneau
Si un anneau est présent noter s’il est issu d’une cortine (a), s’il est descendant (b), ascendant (c), mixte (d) ou « à roue dentée » (e), etc. Il
faut se rappeler que l’anneau ou la cortine sont les restes du voile partiel ! (Voir article « Comment ça pousse !). Tous les Agarics ont un anneau beaucoup d’amanites également
(attention pas toutes !!!)
c) présence ou absence d’une volve
Si une volve est présente, noter si elle est en sac (a), circoncise (b), friable (c), napiforme (d), en armille (e), etc

Il faut également toujours se souvenir que la volve ou l’armille sont les restes du voile général ! (Voir article « Comment ça pousse !).
Toutes les amanites en ont une !!!) ; C’est la raison pour laquelle il est conseillé de cueillir un champignon en le prenant largement en dessous pour ne pas
manquer ce caractère important.
4.5 – Examiner une coupe longitudinale du pied
Une coupe longitudinale met en évidence et permet d’apprécier s’il est plein, creux ou farci ; elle permet également de
voir si la chair est fibreuse, grenue, caverneuse (creux par ci par la sur la longueur) ou fistuleuse (creux sur toute la longueur)
Puisqu’on parle de coupe, une coupe transversale cette fois, permet d’apprécier si le pied est circulaire, ovale (c’est le cas des Tricholomes !) ou
sillonné !
*A ce stade je pense pouvoir vous conseiller la consultation et la lecture
de 4 ouvrages :
Pour les mycophiles débutants,
- LE GUIDE DES CHAMPIGNONS(900 photos et fiches)
de Didier BORGARINO et Christian HURTADO - Paru chez Edisud - 2005
- LE MINI-GUIDE DES CHAMPIGNONS
de Jean-Marie POLESE paru chez Könemann
- LE GUIDE ECOLOGIQUE DES CHAMPIGNONS
de Guillaume EYSSARTIER - Alain COUSTILLAS et Daniel LACOMBE - paru aux Editions Bacoifin et disponible au CMME
Pour les mycophiles confirmés ! :
Guide des champignons de France et d'Europe (Plus de 1700 illustrations et descriptions
détaillées)
de Régis Courtecuisse et Bernard Duhem
Paru chez Delachaux et Niestlé. ISBN 2 603 00953-2
Champignons de France et d'Europe occidentale (Plus de 1700 illustrations et descriptions
détaillées)
de Marcel BON
Paru chez Flammarion 2004 - ISBN 2 08 201 321-9
Pour la ballade en forêt à cause de son format et de sa couverture « plastic »
LE GUIDE DES CHAMPIGNONS DE FRANCE
de Jean-Marie POLESE
Sélection du Reader Digest dans la série « Côté nature »
Vous trouverez dans un prochain article quelques informations complémentaires relatives à trois ou quatre réactifs facilitant
ou confortant les déterminations et un exemple de fiche de synthèse que j’ai créée et que j’utilise lors de mes tentatives d’identification.
En conclusion, soyez prudents, curieux, observateurs, notez consciencieusement le résultat
de vos observations, soyez rigoureux et n’oubliez surtout pas que tout ne peut être écrit dans les livres. Une ballade de quelques heures en forêt avec un vrai mycologue vous fera plus progresser que des jours passés dans les
bouquins !!!
Allez ! J’arrête là mon discours, je pars faire un tour en forêt !
AVE les myco !!!