Berne, 14.11.2008 - Les champignons colonisant le même substrat sont contraints de se livrer une vraie guerre chimique afin de
défendre le territoire conquis par chacun. Une approche novatrice, développée par la Station de recherche Agroscope Chan-gins-Wädenswil ACW, permet d'isoler et d'identifier les molécules
produites dans ces zones de confrontation, dans le but d'obtenir de nouvelles substances actives, tant pour l'agronomie que pour la santé humaine.
Lorsque plusieurs espèces de champignons se rencontrent dans un même substrat, elles interagissent, ce qui implique des modifications importantes de leur développement, ainsi que dans la synthèse
de molécules d'attaque et de défense. Ce phénomène est très reconnaissable dans des substrats tels que le bois. Dans ce cas, le territoire de chaque champignon est délimité par une bande noire
nettement visible. Cette zone d'interaction indique qu'au moins deux champignons sont entrés en confrontation et ont synthétisé des composés toxiques, jouant le rôle de défense naturelle, leur
permettant de protéger leur territoire.
Les champignons de l'esca, causant le dessèchement et la mort foudroyante des ceps de vigne, ont été choisis comme premier modèle d'étude par ACW. Une technique novatrice a permis de recréer ces
confrontations sur des substrats de synthèse et d'isoler les zones de "guerre chimique". Les molécules nouvellement synthétisées ont été identifiées en partenariat avec l'institut de
pharmacognosie et phytochimie de l'université de Genève. Plus de 80% des molécules identifiées et généralement inconnues jusqu'à ce jour, sont synthétisées de novo, ce qui signifie que le
champignon seul, ne subissant pas de stress, est incapable de les produire. Plus intéressant encore, même si la majorité de ces substances a un effet antifongique, quelques molécules inédites
sont également fortement phytotoxiques ou montrent des activités anti-bactériennes.
D'une manière générale, les champignons représentent une source importante de composés naturels, par exemple pour
l'industrie pharmaceutique (antibiotiques, immunosuppresseurs) ou agro-alimentaire (arômes, ferments...). Ils sont aussi à l'origine de molécules extrêmement toxiques, telles que l'amanitine, ou
les aflatoxines et vomitoxines produites par les moisissures des denrées alimentaires, pour ne citer qu'elles.
Toutefois, dans tous ces cas, les composés sont produits dans des conditions standard, en présence d'un seul organisme.
L'approche présentée ici et impliquant plusieurs champignons, ouvre donc des perspectives fondamentalement nouvelles pour la conquête de nouvelles matières
actives produites dans des conditions jusqu'ici inexplorées, permettant une lutte ciblée contre divers champignons pathogènes ou encore la découverte de nouveaux herbicides ou de molécules
bioactives liées à la santé humaine.
Renseignements:
Katia GINDRO et Judith AUER
Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW
CP 1012, CH-1260 NYON
E-Mail: katia.gindro@acw.admin.ch et judith.auer@acw.adminwww.acw.admin.ch
Ave les Amycos